Friday, January 29, 2010

Une lettre de Philip à von Gloeden / A letter from Philip to von Gloeden


Cher Wilhelm,

Je fais confiance à la poste italienne pour que ma lettre vous parvienne, un jour...

J'aime vos photographies — je les ai vues chez quelques ami(e)s, j'en ai acheté quelques unes moi-même.

Elle me font rêver, elles ouvrent de vastes horizons, en même temps qu'elles invitent le regard à se focaliser, sur une silhouette, sur un corps, sur un visage, sur un sourire, sur des courbes, sur ce je ne sais quoi qui rend le désir d'un garçon fort différent de celui d'une fille...

J'aimerai dire que ce qui accroche mon regard dans vos photographies est l'inattendu, et en même temps l'évident; la nouveauté et le plaisir de la découverte dans des schèmes profondément ancrés dans mon regard et ma sensibilité. 

Qu'est-ce qui peut conduire un homme à en désirer un autre, plus jeune ? Le désir d'un corps, le rêve d'une caresse, des regards à croiser, des mains à entrelacer... Mais aussi écouter la musique d'une âme, et y glisser la sienne, pour en faire une polyphonie, où les différences se croisent dans des harmoniques imprévisibles.

Cher Wilhelm, vous me connaissez, nous avons longuement parlé, Piazza San Domenico, à votre studiolo de Taormina... 

Vous m'aviez demandé: "Philip, êtes vous heureux ?" Et je vous avais répondu: "Wilhelm, qu'est-ce que le bonheur ?"

Je vous réponds aujourd'hui que, sans doute, je serais plus heureux, si je n'aimais pas que des ombres...

Je pense aux ombres qu'Ulysse cherche à étreindre, dans son approche des Enfers... 

Quel est le plus important ? Aimer ou être aimé ? Aimer est un don de soi, être aimé est un don de l'autre...

Je ne sais si je rencontrerai l'autre, un jour prochain, dans le temps, compté, qui m'est encore donné...

Philip

Von Gloeden Archive, Letter from Philip X to W. von Gloeden, 12.06.90, call number: 1890/06/12/2

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Dear Wilhelm,

I trust enough Italian post to believe that you will receive my letter sooner or later..

I love your photographs — I have seen some of them at some friends places, I have bought some of them myself...

Your photographs make me dream, they open wide horizons, and at the same time, they invite the gaze to focus on a silhouette, on a body, on a face, on a smile, on curves, on this very special detail that makes the desire for a boy very different from a desire for a girl..

May I say that what catches my eyes in your photographs is what is unexpected and, at the same time, what is obvious: something new, a pleasure of discovery, among patterns deeply rooted ibto my gaze and my sensitivity.

What could lead a man to desire an other one, a younger one ? Desire of a body, a dream of caresses, some gazes that should meet, some hands that should be crossed with other hands... But also listening to a soul, and introducing his own soul in the concert hall in order to create a polyphony, where differences between the two of us will create unpredictable harmonics... 

Do you remind me ?  we had such a long talk when we met Piazza San Domenico, at your studiolo. 

You asked me: "Philip, are you happy ?" And I answered you: "Wilhelm, what is happiness ?"

Today, I would answer you that I would be happier if I would not love only shades.

I mean the shades Odysseus was trying to catch while being close to the infernal world...

What is the most important ? To love or to be loved ? Loving is a gift of oneself, being loved is a gift of the other one...

I don't know if I will ever meet this other one, soon, in the time that is given to me...

Philip

Von Gloeden Archive, Letter from Philip X to W. von Gloeden, 12.06.90, call number: 1890/06/12/2.

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