Tuesday, November 30, 2010

Les Extatiques


"Chantez-moi doucement
La langueur des amants 
Solitaires...
Chantez-moi, voulez-vous, 
Le malheur d'être un fou 
Sur la terre...

Dites-moi comme ils ont
Par les nuits de mousson
Parfumée,
Gémi au bord des mers
Au souvenir amer
Des aimées...

Est-il vrai qu'on les voit
Comme écoutant des voix
Invisibles?
Et que leurs yeux déçus
Rêvent à leur insu
L'impossible?

Nul n'entre-t-il jamais 
Dans le deuil des palais
Où l'on pleure?
Moi aussi j'ai souffert
J'ai connu le désert
Dont ils meurent:

C'est pourquoi doucement
Chantez-moi les amants
Solitaires,
Chantez-moi, voulez-vous,
Le malheur d'être un fou
Sur la terre!..."


Jacques d'Adleswärd-Fersen
Ainsi chantait Marsyas, Poèmes
Florence et Paris, Librairie Leon Vanier, Editeur, p. 17-18.

Nino


"Ton nom, c'est de la lumière
Et du ciel bleu,
Un fil de soleil en prière
Au fond des yeux...

C'est la langueur italienne
Dans un baiser
Autour duquel mon âme vienne
Agoniser...

C'est le parfum suave et triste
Des morts de fleurs,
De ces fleurs rares qui n'existent 
Qu'en notre coeur !

Et c'est l'appel aux voix lointaines
De ces pastours
Qui dans la campagne Romaine
Chantent sur les pipeaux leurs peines
Au long du jour...!


Jacques d'Adleswärd-Fersen
Ainsi chantait Marsyas, Poèmes
Florence et Paris, Librairie Leon Vanier, Editeur, p. 8-9.

Monday, November 29, 2010

Bucoliques / Bucolics



"Taormina, c'est le rocher et l'arbre, le ciel et la mer, le chant des cigales et la lumière qui les relient. Le paysage est un poème silencieux, mais il raconte des histoires au photographe qui sait l'écouter. Je regarde longuement les paysages de Taormina avant de choisir la toile de fond de mes photographies. 

Je connais tous les chemins de la montagne, grâce aux bergers et aux chasseurs de Taormina"

"Taormina is nothing but rocks and trees, sky and sea:  cicadas' songs and light create the link between them. Landscape is a silent poem, but it tells so many stories to the photographer who knows how to listen to it... I spend so much times contemplating Taormina's landscapes, before choosing the background of my photographs.

I am familiar with all the paths of the mountain, thanks to Taormina's shepherds and hunters"


"Taormina, c'est le rocher et l'arbre, le ciel et la mer, le chant des cigales et la lumière qui les relie".

"Taormina is nothing but rocks and trees, sky and sea:  cicadas' songs and light unite them together".


"Le paysage est un poème silencieux... Mais à qui est cette tunique posée sur l'arbre ?"

"Landscape is a silent poem... But to whom belongs this tunic left on a tree ?"


"Que fais-tu là, jeune berger, mon ami, mon amant ? Cherches-tu l'ombre d'un arbre, au zenith du soleil ?   Il fait si chaud, tout invite au repos, laisse glisser les étoffes, c'est le temps du sommeil... Jeune berger, mon ami, mon amant, nous nous sommes connus et aimés dans d'autres temps, dans d'autres vies, je ne t'ai jamais oublié, tu es un souvenir, tu es un espoir..."

"What are you doing here, young shepherd, my friend, my beloved one ? Are you looking for the shade of a tree, while the sun reaches its zenith ? Such a hot day, it is time for a rest, let your clothes fall down on the ground, it is time for a sleep... Young shepherd, my friend, my beloved one, we met and we were lovers in another time, in another life, but I never forgot you, you are my memory, you are my hope..."


"Mon ami, mon amant... as-tu rencontré dans les montagnes de Taormina Pan ou Dionysos, les satyres ou les centaures, les dieux qui voyagent à l'écart des cités des hommes, qui parlent aux roches et aux arbres et respirent avec le ciel et la mer ?"

"My friend, my beloved one... did you ever meet in Taormina's mountains Pan or Dionysius, satyrs or centaurs, gods travelling far from the cities of men: they are talking to rocks and trees, they breathe as the sky and the sea..."


"Les satyres de Dionysos, dit-on, voyagent en groupe, nul n'a jamais vu leurs visages, ils ne laissent voir que leur chevelure brune et leurs corps nus et musclés..."

"Dionysos' satyrs, according to the legend, are used to travel together, nobody has ever seen their face, they just allow mortals to grasp their dark hairs and their nude and muscular bodies.."


"Les satyres de Dionysos, dit-on, courent après les nymphes et les ménades et aiment à leur faire peur, dans l'érection de leurs désirs... Cependant, ils ne dédaignent pas les beaux garçons, les bergers à demi-nus rencontrés dans les montagnes. Ils leur tiennent des propos doux comme le miel, des paroles d'amour et de séduction, ils leur chantent des poèmes dans une langue inconnue, et leur parlent d'un désir que seuls les dieux et les garçons comprennent..."

"Dionysius' satyrs, according to the rumor, are chasing nymphs and maenads, and they have fun scaring them off, with their ithyphallic desire... However, they are not neglecting cute boys, the half-naked shepherds they sometimes meet in the mountains. They talk to them with words sweet as honey, words of love and seduction, they sing poems in an unknown language, and they express a desire that only gods and boys can understand..."


"Mon ami, mon amant, jeune berger des montagnes de Taormina, j'aimerais moi aussi t'avoir rencontré, entre l'arbre et le rocher, entre le ciel et la mer. 

J'aimerais te dire moi aussi des mots doux comme le miel, et te persuader que l'amour d'un homme vaut bien celui d'un dieu...

J'aimerais te dire, te dire que... Je ne te rencontrerai peut-être plus jamais sur les chemins de Taormina, mais ta grâce, ta jeunesse me hanteront longtemps... et mes mots d'amour voudraient être doux comme le miel, doux comme les courbes de ton corps...

Mon appareil photographique, mon jeune ami, mon jeune amant, gardera pour toujours l'empreinte des ombres et de la lumière qui dessinent ta silhouette, gracieuse et inoubliable comme une mélodie".

"My friend, my loved one, my young shepherd in the Taormina's mountains, me too, I would love so much to have met you between the tree and the rock, between the sky and the sea.

Me too, I would love to tell you words sweet as honey, I would try to convince you that a man's love is worth being loved by a god...

I would like to tell, to tell you... I will probably never meet you again on Taormina's trails, but your graceful youth will haunt me for ever, and my loving word would dream to be sweet as honey, sweet as the curves of your body...

My camera, my young friend, my loved one, my camera will keep forever the print of shades and light that are outlining your silhouette, graceful and unforgettable as a melody is..."

Von Gloeden Archive, Bucolic poem (about one of my photographs), call number 1898/03/15/7.