Thursday, March 31, 2011

A song for the fall

(Private collection)

"Dear Wilhelm, 

During my last stay in Taormina, in april 1925, I brought back home this souvenir, this photograph I bought from you, in your office, piazza San Domenico.

You displayed all your treasures, these most precious photographs you collected since thirty, forty years... I decided to buy this one...

You had so clear memories of this photographic session... It was at the very beginning of the XXth century, on your favorite terrace... Your models were Marco and Pietro, they founded families and have many children now, tempus fugit, so fast, it is impossible to come back... 

I agree, it is not the most beautiful, the most famous of all your photographs... "Baaaah, this photographic print is fading away... There is like a fog inside my photograph...", you told me.

Wilhelm, my dear old friend, I love this photograph precisely because of the fog... Mountains are vanishing, at the threshold of vision...

Everything is so peaceful, in this evening during the fall... All is so quiet... Even cicadas keep quiet, they are listening to Alkinoos while he plays his flute... He plays a forgotten tune, a tune coming from such an old time, a song coming from the heart of Sicily, from the Greek Sicily... Alkinoos is a young shepherd, he just forgets goats and sheeps, as long as his song lasts, for Meleager, his friend, his lover...

Meleager is a lad from the village, he masters the skills of reading and writing, he writes poems, he knows Homer's poems by heart. At the tip of his fingers, he is caressing a bunch of grapes: "I love you a little, very much, with passion, with madness, I love you a little, very much, with passion. Alkinoos, my sweet music, my little shepherd, very much, with passion;

Your photograph is like an epigram by Strato, Wilhelm, my old friend, one of these poems ancient Greeks wrote in  order to celebrate the beauty of boys.

Loves are like a bunch of grapes: one should catch them at the right time, when they are mature, at the top of their taste and of their perfume.

For ever I will dream about the love story of Alkinoos and Meleager... Loving, being loved, knowing one is loved, waiting until one will say "I love you". Hoping, dreaming, loosing hope, loving anyway and waiting, still waiting...

Wilhelm, my old friend, your photographs are the best commentaries to the Epigrams about boys in the Palatine Anthology. Everything is said, no need for a translation...

Tomorrow, I will read again Strato and I will say to Alkinoos: "My friend, my loved one, I wish the sound of your flute could last forever, I don't know who I love the most, Meleager or you".

Your friend

Philip

Von Gloeden Archive, Letter from Philip to W. von Gloeden, 20 Octobre 1925, Call number: 1925/10/20/2

Chant d'automne

(Collection privée)

"Cher Wilhelm,

De mon dernier séjour à Taormina, en avril 1925, j'ai emporté ce souvenir, cette photographie achetée à ton studio, piazza San Domenico. 

Tu m'avais montré tous tes trésors, ces photographies amassées depuis trente, quarante ans, et c'est celle-là que j'ai choisie...

Tu te souvenais bien de cette prise de vues, c'était au début du siècle, sur ta terrasse préférée... Tes modèles étaient Marco et Pietro, ils sont pères de famille maintenant, tempus fugit, si vite, sans retour possible...

Ce n'est sans doute pas la plus belle, la plus célèbre de tes photographies, "Baaaah, ce tirage s'estompe... La brume envahit ma photographie", m'as-tu dit.

Wilhelm, mon vieil ami, c'est la brume, précisément, qui me fait aimer cette photographie... La brume qui estompe les montagnes aux confins de la vision... 

Tout est si paisible, en cette soirée d'automne, tout est si calme... Même les cigales sont silencieuses, elles écoutent Alkinoos jouer de la flûte... Un air oublié, venu du fond des âges, du coeur de la Sicile, de la Sicile des Grecs... Alkinoos est un petit berger, il oublie chèvres et moutons, le temps d'une chanson, pour Méléagre, son ami, son amant...

Méléagre est un garçon du village, il sait lire et écrire, il écrit des poèmes, il connaît son Homère par coeur. Du bout des doigts il caresse la grappe de raisin: "Je t'aime un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, je t'aime, un peu, beaucoup, passionnément, Alkinoos, ma petite musique, mon petit berger, beaucoup, passionnément..

Ta photographie est une épigramme de Straton, Wilhelm, mon vieil ami, un de ces poèmes que les Grecs écrivaient pour célébrer la beauté des garçons.

Les amours sont comme le raisin, il faut les saisir à point, quand ils sont mûrs, au summum de la saveur et de leur parfum.

Pour toujours je rêverai aux amours d'Alkinoos et de Méléagre... Aimer, être aimé, savoir que l'on est aimé, attendre avant de dire "je t'aime". Espérer, rêver, désespérer, aimer cependant et attendre encore...  

Wilhelm, mon vieil ami, tes photographies sont les meilleurs commentaires aux Epigrammes garçonniers de l'Anthologie palatine. Tout est dit, point n'est besoin de traduction... 

Demain, je relirai Straton et je dirai à Alkinoos: "Mon ami, mon amant, puisse le son de ta flûte durer pour toujours, je ne sais qui j'aime le plus, Méléagre ou toi".

Ton ami, 

Philip"

Von Gloeden Archive, Lettre de Philip à W. von Gloeden, 20 Octobre 1925, Call number: 1925/10/20/2


Thursday, March 24, 2011

Coquin de Printemps...

(Collection privée / Private collection)

Pour Nicole C.
To Nicole C.

"C'est le printemps, coquin de printemps...
C'est le temps des fleurs et de tous les bourgeons,
Fille ou garçon, tout est en fleurs, c'est le temps des amours,

C'est le printemps, coquin de printemps...
Un regard, un sourire, une fleur aux lèvres,
Fille ou garçon, je suis en fleurs, c'est le temps des amours,

Fille ou garçon, qui m'aime me reconnaîtra,
Une fleur aux lèvres, suivez mon regard,
Je suis la vie, je suis la jeunesse, je suis un sourire,

C'est le printemps, le temps des jeunes filles en fleurs,
Un désir peut en cacher un autre, 
Cherchez la fleur, trouvez un garçon.

Fille et garçon, je suis une fleur, c'est le temps des amours,
Cherchez l'amour, trouvez une fleur,
Coquin de printemps, une fleur peut en cacher une autre.

Je suis un jeu, je suis un rire, je suis le désir,
Qui m'aime me suive... Je suis un regard coquin,
Coquin de printemps, je suis un garçon en fleurs...

A l'ombre de qui, jeunes filles ou garçons, à l'ombre de qui,
Vais-je chercher la fleur, le regard et le sourire,
Coquin de printemps, vais-je trouver l'amour ?

Tu es une fleur, un garçon, un amour,
Tu es le sourire des bourgeons qui annoncent les fleurs,
Tu es une fleur, une fille, un regard, coquin de printemps...

Je n'en finis pas d'aimer ce printemps de Taormina, 
Où se rêvent mille désirs pour une beauté en fleurs,
J'aimerais être une fleur pour caresser tes lèvres...

C'est le printemps, coquin de printemps...
C'est le temps des bourgeons et de toutes les fleurs,
Un sourire, un regard, fille ou garçon, c'est le temps de tous les amours."

Friday, March 18, 2011

Jardin / Garden

(Collection privée / Private collection)

"Cher Philip,

Je vous envoie une photographie de mon jardin, Piazza San Domenico, que j'ai prise en ce printemps 1898. 

J'espère qu'elle vous permettra de deviner les couleurs et la fraîcheur, les parfums et le bruissement des feuilles... J'essaie d'utiliser mon appareil photographique comme une palette de peintre, pour saisir la beauté du monde et les impressions d'un instant.  

J'aime mon jardin, il est une oeuvre d'art vivante, qui évolue au fil des saisons. Je parle aux fleurs et je caresse les branches, c'est toute la Méditerranée qui est renfermée entre les murs de mon jardin.

Au plus fort de l'été, j'aime m'asseoir à l'ombre de ces feuillages, à écouter le chant des cigales, ici, à Taormina, au coeur de la Sicile, entre la Grèce et l'Afrique...

J'aimerais tant, cher Philip, partager mon jardin avec vous, en ce beau printemps, j'aimerais tant, mon vieil ami, partager mes rêves et mes souvenirs avec vous...

Votre affectionné,

Wilhelm"


"Dear Philip,

I send you this photograph of my garden, Piazza San Domenico. I shot it during this spring, in 1898.

I hope you will be able to grasp from my photograph the colors and the coolness, the perfumes and the rustling of tree leaves... I am doing my best to use my camera as a painter's palette, in order to catch the beauty of the world and feelings that do not last. 

I love my garden: it is a living art work, evolving through the year's seasons. I am talking to the flowers, I am caressing the branches, the whole Mediterranean world is enclosed within the walls of my garden.

At the peak of the heat wave, I love to be sitting under the shade of this leafiness and to listen to the cicadas song, here, in Taormina, the heart of Sicily, between Greece and Africa.

I would love so much, dear Philip, to share my garden with you, during this so magnificent spring, I would love so much, my dear old friends, to share my dreams and my memories with you...

Yours, as always,

Wilhelm"

Wilhelm von Gloeden, Letter to Philip, 10 May 1898 (Von Gloeden Archive, call number 1898/05/10/01)