Saturday, May 28, 2011

Eternité / Eternity

Quatre garçons sur une terrasse, noyée de lumière, de soleil...

Wilhem von Gloeden les a disposés les uns à côté des autres. Il a composé ce tableau vivant, en indiquant les postures, en dessinant les déhanchements, en fixant les mains et les regards. Ne bougez plus !

Un jeune homme, assis sur une peau de léopard, est entouré de trois autres garçons. Peut-être est-il un jeune aristocrate romain, entouré de ses esclaves, des esclaves grecs, peut-être.

L'un deux, debout, au corps noirci par le soleil, joue de la flûte, la jambe fléchie pour suivre le rythme, pour suivre le souffle. C'est une antique mélodie, venue du fond des âges, qui a accompagné le chant de Pindare et de Simonide, de Bacchylide et de bien d'autres.

Un autre garçon, habillé par le seul bandeau qui traverse ses cheveux, raconte les exploits d'Héraklès, la vaillance d'Achille, ou les voyages d'Ulysse, les amours des bergers arcadiens ou la geste des dieux olympiens.

Il porte un bandeau blanc lui aussi, le garçon debout, qui du bout des doigts, démêle les boucles de son maître assis sur une peau de léopard...

Cette carte postale, modèle réduit d'une magnifique photographie de Wilhelm von Gloeden, est comme un opéra, un chant à la beauté, un chant à la beauté de ces garçons qui traversent les siècles, rêve antique, rêve vintage, 1er siècle après J.-C, début du XXe siècle, les corps et les courbes restent aussi désirables...

Il y a une infinie douceur dans cette photographie... Celle de garçons qui savent écouter la musique de leur beauté, celle de garçons qui mettent en scène leur corps dans le plus sensuel des théâtres... Se voir entre soi, entre quatre garçons, se voir vus par le photographe, se rêver vus par celui qui regardera cette carte postale, cette photographie...

Une image vaut mieux qu'un long discours, qu'une description, qu'un plaidoyer, qu'une confidence, qu'une confession...

Tout est dit de mes rêves, de mon désir, de mes souvenirs rêvés, de mes vies imaginées...

Je ne sais si j'aime plus le maître ou les esclaves.

J'aime le désir qui circule entre eux, dans un infini respect comme dans l'intimité la plus rapprochée...

Cette photographie baigne dans l'évidence d'un désir, un désir aveuglant comme le soleil de Naples ou de Taormina...

Un désir qui est chant, mélodie, opéra...

Il n'est pas de photographie qui ne soit aussi une musique.

Il n'est pas d'amant qui n'ait pas appris à écouter, à écouter la musique singulière de la beauté...

Renaud Icard - Mon Page - Illustrations de Gaston Goor


Renaud Icard (1886-1971) est un écrivain et un sculpteur lyonnais encore mal connu, en dépit de l'audace de ses écrits comme de sa vie. Il a été le premier à développer le thème de l'homoparentalité, en 1937, dans une pièce de théâtre: Hors Jeu

Mon Page, dont c'est ici la première édition, a été écrit par Renaud Icard en 1918, peu de temps après l'armistice. Ce conte peut être mis entre toutes les mains: les intentions de l'auteur ne feront l'objet d'un questionnement que par les seuls lecteurs habitués à voir bien au-delà des apparences.

Gaston Goor (1902-1977), qui partageait les goûts esthétiques de Renaud Icard, réalisa 44 illustrations au crayon, dont trente deux ont été sauvegardées. Elles sont livrées ici pour la première fois au public. 

Renaud Icard (1886-1971) was a writer and a sculptor living in the area of Lyon, in France. He is still almost unknown, despite his courageous writings and his bold life as well. He was the first to promote the idea of homoparentality, in 1937, in a theatrical play, Hors Jeu.

Mon page was an unpublished work until now. Renaud Icard wrote it in 1918, just after the end of WW1. This faery tale can be read by anyone. The writer's intent will be appeal only to the rare reader who are able to look beyond appearances...

Gaston Goor (1902-1977) shared many of Renaud Icard's aesthetic tastes. He drawn 44 plates with his pencil for Icard's novel. Only 32 plates have been saved. They are all published for the first time in this edition of Icard's text.

Renaud Icard
Mon Page

Illustrations de Gaston Goor

Avant-propos d'Yvon Taillandier
Préface de Jean-Loup Salètes
(petit-fils de Renaud Icard)
suivi de
L'histoire de Mon Page, de ses illustrations et de l'amitié Goor-Icard

Paris, Editions Quintes-Feuilles, 2009
ISBN: 978-2-9532885-1-3


Friday, May 20, 2011

La musique du désir / Music of longing


Tu es entré dans ma vie lorsque cette photographie est entrée dans ma collection...
J'ai écouté la musique, la musique de ta flûte, la musique des cigales, la musique du soleil.
J'ai écouté la musique d'un berger sicilien, assis sur un rocher.
J'ai écouté la musique d'une photographie sepia du siècle dernier, d'un temps oublié...

J'ai écouté le souffle de tes lèvres entrouvertes, j'ai suivi ton regard distrait,
J'ai caressé les courbes de tes jambes, j'ai écouté la musique de ton adolescence...

Veux-tu chanter les travaux et les jours, les jours et les nuits, la pierre et la chair ?
Veux-tu chanter le berger ou la campagne, les dieux ou les bêtes, la solitude des campagnes ?

J'entends ton chant si proche, si beau, j'écoute le chant d'une photographie sepia...
Tu es là si près, si loin, tu es un poème de Théocrite, tu es une photographie de Gloeden...

Je te vois entre deux, entre Théocrite et Gloeden, entre deux siècles, le tien et le mien...
Entends-tu, beau berger, entends-tu, beau berger de Taormina, la musique de mes rêves,
Je suis si seul ce soir, j'aimerais être l'écho des montagnes, des montagnes de Taormina,
Et te renvoyer une mélodie d'amour, rien n'importe ce soir que la musique du désir,

Elle peut traverser les siècles, je l'entends si fort, peut-être l'entends-tu aussi,
De l'autre côté du miroir, si près, si loin, dans les montagnes de Taormina.



You entered my life as soon as this photograph was part of my collection...
I listened to the music, the music of your flute, the music of cicadas, the music of sun.
I listened to the music of a Sicilian shepherd, sitting on a rock.
I listened to the music of a sepia photograph from the last century, from a forgotten time....

I listened to the breathe from your half open lips, I looked at your eyes, while you were looking elsewhere...
I caressed the curves of your legs, I listened to the music of your youth....

Do you want to sing the works and days, the days and nights, the rock and the flesh ?
Do you want to sing the shepherd or the wilderness, gods or beasts, the loneliness of wild spaces ?

I am listening to your song, so close, so beautiful, I am listening to the song of a sepia photograph...
You are so close, so far away, you are a poem written by Theocritus, you are a photograph shot by von Gloeden.

I am looking at you, somewhere in between, between Theocritus and von Gloeden, between two centuries, yours and mine...
Do you hear, cute shepherd, do you hear, cute shepherd of Taormina, the music of my dreams,
I feel so alone, tonight, I would love so much to be just the echo of mountains, of the mountains of Taormina,
And to send you back a love song, nothing else matters tonight, except the music of longing,

This music can be heard through centuries, it is so loud for my ears, perhaps you can hear it too,
On the other side of the mirror, so close, so far away, in the mountains of Taormina...

Saturday, May 14, 2011

Autour de Jacques d'Adelswärd-Fersen (1880-1923)

Vendredi 27 mai 2011, 19 heures 


La librairie Les Mots à la Bouche (Paris)
les éditions GayKitschCamp/Question de genre et Quintes-feuilles
vous invitent à une rencontre sur le thème
Pédérastie et efféminement dans la littérature fin-de-siècle
Autour de Jacques d'Adelswärd-Fersen (1880-1923)





   A l'occasion de la réédition de 
Une Jeunesse/La Neuvaine du petit faune et Lord Lyllian 
les éditeurs
Jean-Claude Féray (Quintes-feuilles)
et Patrick Cardon (GayKitschCamp/Question de Genre),
spécialisés dans la réédition de textes écrits à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle,

viendront présenter le travail littéraire et journalistique du fondateur d'Akademos, première revue homosexuelle française. 
Lord Lyllian est un roman  à clefs où se rencontrent les sommités homosexuelles de la fin du XIX : Oscar Wilde, Lord Alfred Douglas, JohnGray, Jean Lorrain, Joseph Péladan, Achille Essebac, Robert de Montesquiou, Friedrich Krupp, Fersen lui-même, ainsi que leurs égéries, les actrices Ellen Terry et Sarah Bernhard. L'auteur les met en scène avec des dialogues très "camp" que Wilde n'aurait pas reniés, dans des poses mélodramatiques à souhait.
Le roman Une jeunesse et les poèmes réunis sous le titre La neuvaine du petit faune  rassemblent les hommages que l'auteur a rendus aux trois grands amours de sa vie. Trois amours rencontrées à des moments distincts de son existence, et qui ont compté, de ce fait, à des titres très dissemblables.
Par ailleurs, GayKitschCamp sort une nouvelle édition de deux bestsellers qui n'étaient plus disponibles depuis plusieurs mois :
Pédérastie active et Pédérastie passive
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Librairie
Les Mots à la Bouche
6 rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, 75004 Paris, métro Hôtel de Ville
www.motsbouche.com / tél : 01 42 78 88 30

Friday, May 6, 2011

Un petit faune (Fersen)



"J'avais rêvé l'amour plus beau que ton pays...
Parfumé, comme avril, dans un patio d'Espagne,
Un amour douloureux, mais qui vous accompagne
Comme un violoncelle en prière, la nuit...

J'avais rêvé son coeur plus chaste qu'un ciboire,
Je voulais adorer son hostie à genoux...
Et ce rêve était vrai et ce rêve est si doux,
Que l'oubli aux doigts purs efface la mémoire....

Mais l'adieu, Corrado !
                                      Que l'on saigne à partir
Sans avoir respiré — extase et fin suprêmes —
Ta langueur, ta jeunesse — et cette âme que j'aime

Comme un dernier bouquet cueilli pour en mourir"

Jacques d'Adelswärd-Fersen
poème extrait de "La Neuvaine du petit faune"
Editions Quintes-feuilles, Paris,  2010, p. 153.

Thursday, May 5, 2011

Qui connaît Vincenzo Galdi ? Who knows Vincenzo Galdi ?

 Vincenzo Galdi
Von Gloeden & von Plüschow

Photographies / Photographs 1890 – 1920
Portraits et nus / Portraits and Nudes

A Unique Exhibition...
Une exposition unique...
du 20 avril au 11 juin 2011
from april 20 to june 11, 2011

Galerie/Art Gallery Au Bonheur du jour 
11 rue Chabanais - 75002 Paris
du mardi au samedi 14h30 – 19h30
from tuesday to saturday, 2:30 PM to 7:30 PM



Wilhelm von Gloeden, Guglielmo von Plüschow, Vincenzo Galdi... Des trois photographes de beautés masculines qui travaillent en Italie, entre la fin du XIXe siècle et les premières décennies du XXe siècle, Vincenzo Galdi (1871-1961) est le moins connu, le plus secret, le plus moderne.

Ami et amant, il est d'abord un modèle de von Plüschow. Il apprend l'art photographique de son mentor, il devient photographe à son tour. Il reste fidèle, pour une part, aux rêves arcadiens, aux mises en scène à l'antique de son maître. Mais son univers visuel affirme très vite sa différence. D'abord par la modernité de ses choix esthétiques, par l'univers urbain dans lequel il est intégré. Les bergers de Taormina, les éphèbes de Pompéi sont loin, nous sommes à Rome, les modèles sont des garçons de la ville, qui viennent se faire tirer le portrait contre quelque indemnité. Pas seulement des garçons, d'ailleurs, mais aussi des femmes qui viennent offrir leur nudités plantureuses à l'appareil photographique de Galdi. Quant aux garçons, les portraits, les mises en scène à l'antique ne sont qu'un prélude. Vincenzo Galdi aime les hommes, les vrais, les hommes bien membrés, au repos comme en service. Il décline les mille nuances d'une symphonie du désir, celle d'un garçon dans un jeu soliste, celle de deux garçons absorbés dans la gymnastique du plaisir.

C'est bien de sexe dont il s'agit ici: le sexe mâle dans sa physiologie, que l'on peut décliner dans ses multiples variétés, comme une collection de fleurs ou d'insectes rares; le sexe comme un art de vivre et de sentir, comme une quête du plaisir jouant sur toutes les gammes du corps masculin.

Vincenzo Galdi ne se cache pas derrière les voiles de l'Antiquité. Il appelle un chat un chat, et il le montre. Il est le premier pornographe de notre modernité: il donne à voir des corps imbriqués selon les mille figures de l'art d'aimer hétérosexuel et homosexuel.

Il y a une dimension éminemment vintage, ce sont des photographies sepia et albuminées, tous les garçons représentés ne sont plus que poussière aujourd'hui...

Il y a en même temps une dimension moderne, voire contemporaine... Une audace extraordinaire qui donne à voir le désir et le plaisir.

La pornographie de Vincenzo Galdi est aujourd'hui oubliée, enfouie dans les collections privées, nimbée d'une aura vintage et sepia qui l'inscrit dans la préhistoire des imageries érotiques d'aujourd'hui.

C'est le mérite de Nicole Canet que d'avoir réuni une collection unique de ces photographies et d'en avoir fait un livre (voir ici/click on this link).

Si vous en avez la possibilité, visitez cette exposition unique, où Vincenzo Galdi figure parmi ses maîtres, von Gloeden et von Plüschow.

An English translation will perhaps be available later (not sure yet ! but if you ask... !)