Thursday, February 18, 2010

Rêve, Désir


Cher Wilhelm,

Pourquoi suis-je à ce point sensible à votre art photographique ? Après tout, mes rêves ne s'appuient que sur des tirages de vos photographies, albuminés ou argentiques, bref, des feuilles de papier.

Pourquoi votre regard, votre goût esthétique, les consignes que vous avez données à vos modèles ont-ils une telle pertinence, une telle évidence pour moi ?

Tout cela est une affaire de désir, vous le savez. Et le désir est comme une harmonie musicale, qui fait vibrer ensemble différents instruments d'un orchestre symphonique...

Pourquoi vos photographies me font-elles vibrer ?

Parce que le désir, bien sûr, est une affaire de vibrations... On entre en harmonie ou non avec une femme, un garçon, ou une photographie...

Vos photographies des garçons de Taormina ouvrent un espace de rêve, entre les caresses du regard et celles de la main. Vous savez capter ce qui rend un garçon désirable, même lorsqu'un berger de Taormina est déguisé en éphèbe athénien...

Les courbes et le visage, sans doute... la timidité mêlée à une virilité adolescente, aussi... le modelé d'une poitrine comme la position des jambes, enfin...

Bref, une silhouette, une concentration de signaux qui attirent le regard et le désir...

Cher Wilhelm, peut-on tomber amoureux de l'une de vos photographies ? Votre modèle est à jamais au-delà de l'oeil de votre appareil photographique, mais votre photographie nous le rend si présent, si proche...

Cher Wilhelm, je suis souvent tombé amoureux de vos modèles... Je sais qu'ils ne le savent pas... Est-ce une consolation, ou une souffrance... ?

Votre ami

Albrecht von F.

Von Gloeden Archive, Letter from Albrecht von F., to Wilhelm von Gloeden, 12.06.1898, call number; 1898/06/12/02

1 comment:

Tiago said...

Oui. Et nous pouvons repeter, aujourd'hui, après plus d'un siècle: Pourquoi sommes-nous si sensibles à ton art, à ta photographie?