Au loin, la silhouette de l'Etna perdue dans la brume, entre la terre et le ciel.
Le rivage découpe la terre et caresse la mer d'une frange blanche: ce sont les bâtiments et les constructions de la modernité sicilienne, ils suivent le tracé de la route et du chemin de fer, au seuil du XXe siècle.
Des branches d'amandier griffent le ciel de leurs bourgeons en fleurs. Ils rappellent les fulgurances des calligraphies chinoises, où mille signes naissent au passage d'un pinceau.
Au premier plan, une scène bucolique et intemporelle, rêvée par Virgile ou peut-être Théocrite.
Deux bergers adolescents font face à l'éternité. L'un joue sur une flûte de roseau une très ancienne mélodie, le chant du vent et de la terre, des rochers et des arbres en fleur. L'autre est allongé, pensif, il écoute le chant du vent et de la terre, le souffle du roseau plaintif comme une voix.
Beauté des corps, modelés par l'ombre et la lumière, tendresse des bustes, fuselé des jambes lisses, visages bruns.
Devant eux, hors champ, le photographe, derrière son appareil bien stable sur son trépied.
D'une voix douce, avec un geste de la main qui semble flotter sur la musique et dans la lumière, Wilhelm von Gloeden murmure:
"Tityre, tu patulae recubans sub tegmine fagi
silvestrem tenui Musam meditaris auena;
nos patriae finis et dulcia linquimus arua.
nos patriam fugimus; tu, Tityre, lentus in umbra
formosum resonare doces Meliboeum silvas."
"Couché sous le vaste feuillage de ce hêtre, tu essayes, ô Tityre, un air champêtre sur tes légers pipeaux. Et nous, chassés du pays de nos pères, nous quittons les douces campagnes, nous fuyons notre patrie. Toi, Tityre, étendu sous de frais ombrages, tu apprends aux échos de ces bois à redire le nom du beau Mélibée."
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