Thursday, December 30, 2010
Perfection
"On dit que tu es l'oeuvre du sculpteur Critios, et on t'appelle "Le garçon de Critios". Tu es un garçon de marbre blanc, un don des dieux, une offrande aux dieux, et tu fus placé sur l'Acropole d'Athènes, sous la lumière du soleil attique. C'était en 480 avant J.-C., Xerxès et l'armée des Perses venaient de s'emparer d'Athènes, ils mirent la ville à sac, ils montèrent sur la colline sacrée et dévastèrent tout... C'est alors que tu fus renversé sur le sol, tu fus décapité sous le choc.
C'est en 1865 que l'archéologue Sam Rumpf te découvrit. Ta tête ne fut retrouvée qu'en 1898.
On ne connaît de Critios que son rôle, dans l'épanouissement de la sculpture grecque classique: il fut l'un des premiers à donner vie au corps rigide des kouroi d'antan, à faire vivre le modelé d'un corps, dans son harmonie comme dans ses subtiles dissymétries, dans le léger déhanchement qui sublime les dynamiques d'un jeune homme se tenant debout.
De toi, le modèle de Critios, nous ne savons rien, même si ta jeunesse, ta beauté vivent encore sous nos yeux. Il me plait de t'imaginer, posant nu dans l'atelier du sculpteur, alors que la lumière du soleil caressait les formes de ton corps. "Tiens la pose", te disait peut-être Critios, "ne bouge pas, mon garçon, kalos, kalos ho paîs...". Il y a tant d'amour, dans cette statue de marbre... Une telle sensibilité, un tel regard sur ce qui rapproche les adolescents dans la fleur de l'âge des dieux grecs, d'Apollon et d'Eros. Le marbre chante encore les courbes et les formes, les ombres et les reliefs, la vie et la jeunesse qui émanent de ton corps de pierre. Sans doute étais-tu l'aimé de Critios...
Je te retrouve, en noir et blanc, parmi les "Ragazzi" du photographe allemand Konrad Helbig, un amoureux des Méditerranées antiques, entre la Crète, l'Attique et la Sicile. Il t'a rêvé dans cette sublime photographie, où l'ombre et la lumière, le noir et le blanc, réduisent ton corps à une épure, à la quintessence de la beauté, à une mélodie visuelle tout en inflexions sensuelles...
Je partage le regard de Critios, je m'identifie à la vision de Konrad Helbig, et tout chante à mes yeux dans ton corps de marbre blanc, si proche, si lointain.
Certains garçons sont l'horizon d'un rêve, et même le marbre prend vie sous la caresse d'un regard."
Philip X, Rêveries d'un amant solitaire (manuscrit inédit).
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