Saturday, June 4, 2011

La légende passionnée (Jacques Adeswärd-Fersen)



"Pardonne-moi de t'écrire au hasard des sentiments qui me troublent et qui me grisent, en écoutant les voix qui chantent l'amour, un amour nouveau, si blanc et si clair, qu'il semble être né d'une fleur de cristal. Puisque l'on dit que c'est c'est un mal à contagion délicieuse, tu as peut-être deviné que je t'aime sans attendre que je te l'aie dit... Jusqu'ici j'ai été mon chemin, tout simplement ému par ma pensée intérieure où se reflétait un peu de ton coeur. J'ai attendu que les regards s'aimantent à un contact plus doux que les baisers. Toujours à ton approche j'ai ressenti l'impression de voix très lointaines qui m'environnaient d'une atmosphère d'amour; j'entendais comme l'écho de vieux cantiques tout ruisselants de tendresse inexprimée: Et voici maintenant que je laisse ces voix te dire: je t'aime ! légères comme des oiseaux.

Je t'aime... Je t'aime...! si tu savais à quel point, tu aurais à ton tour de l'émotion pour moi. Car il me semble que je t'ai voulu ainsi dans mon inconscience et que déjà, au rêve des nuits anciennes, j'ai vu tes yeux. Ce sont tes yeux, tes jolis yeux de violette qui m'ont agenouillé, tes yeux si jolis qu'ils doivent parfumer l'air. Et vers eux j'élève la douce offrande de moi-même, avec le geste impudique et vainqueur des héros d'autrefois  !"

Jacques Adeswärd-Fersen, Ebauches et Débauches, Paris, Librairie Léon Vanier, 1901, p. 3-4.

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