Monday, April 4, 2011

Rêverie d'après Roland Barthes / Dreaming with Roland Barthes


"Si j'aime une photo, si elle me trouble, je m'y attarde. Qu'est-ce que je fais, pendant tout le temps que je reste devant elle ? Je la regarde, je la scrute, comme si je voulais en savoir plus sur la chose ou la personne qu'elle représente.

If I love a photograph, if I am troubled by it, I will spend some time with it. What am I doing, while I stay in front of this photograph ? I look at it, I am examining it, just as if I wanted to know more about the thing or the person represented.

(...)

J'ai envie de cerner par la pensée le visage aimé, d'en faire l'unique champ d'une observation intense; j'ai envie d'agrandir ce visage pour mieux le voir, mieux le comprendre, connaître sa vérité.

I am willing to focus and to figure out the loved face, to make it the object of an intense observation; I want to enlarge this face so I could better see it, better understand it, and even know its truth.



(...)

Ce que Marey et Muybridge ont fait, comme operatores, je veux le faire, moi, comme spectator: je décompose, j'agrandis, et, si l'on peut dire: je ralentis, pour avoir le temps de savoir enfin. La Photographie justifie ce désir, même si elle ne le comble pas: je ne puis avoir l'espoir fou de découvrir la vérité, que parce que le noème de la Photo, c'est précisément que cela a été, et que je vis dans l'illusion qu'il suffit de nettoyer la surface de l'image, pour accéder à ce qu'il y a derrière: scruter veut dire retourner la photo, entrer dans la profondeur du papier, atteindre sa face inverse (ce qui est caché est pour nous, Occidentaux, plus "vrai" que ce qui est visible).

What Marey and Muybridge did, as operatores, I would like to do it myself, as a spectator: I am spliting up, I am enlarging, and so to say, I am slowing it down, in order to be on time to know, at least. Photography just justifies such a desire, even if it can't fulfill it: I can have the crazy hope to discover the truth only because the noeme of a photograph is precisely: "It has been", and I am living with this illusion one should just clean up the surface of the picture in order to reach what is behind it: scrutinizing means looking at the back of the photograph, going deep into the depth of the paper, reaching its
other side, (what is hidden to the Western viewers we are, what is more authentic than what is just visible).


Hélas, j'ai beau scruter, je ne découvre rien: si j'agrandis, ce n'est rien d'autre que le grain du papier: je défais l'image au profit de sa matière; et si je n'agrandis pas, si je me contente de scruter, je n'obtiens que ce seul savoir, possédé depuis longtemps, dès mon premier coup d'oeil: que cela a été: le tour d'écrou n'a rien donné.



Unfortunately, despite the long time I scrutinized this photograph, I did not discover anything: if I am enlarging it, I just find the grain if this photograph; I loose what is shown, I just get the photograph's materiality; if I do not enlarge it, if I am just scrutinizing it, I just get what I knew since my first glance: it was. Nothing resulted from the turn of the screw."

Roland Barthes, La chambre claire. Note sur la photographie, Cahiers du Cinéma-Gallimard- Seuil, 1980, p. 154-156.
(English translation by me...)

1 comment:

Tiago said...

Mais, où est la photographie complète?