Merci de m'avoir envoyé ce dessin. Il illumine le mur de ma chambre, dans ma maison de Taormina, Piazza San Domenico... Vous me faites presque regretter de ne pas avoir persévéré dans la voie de la peinture, et d'avoir choisi cet art nouveau et mécanique qu'est la photographie. Votre dessin est unique... Mes photographies peuvent être reproduites en série, même si chaque photographie a son grain propre... Walter Benjamin, mon compatriote, a écrit de belles pages sur le statut de l'art à l'âge de la reproduction mécanique...
Mes photographies s'ouvrent sur un horizon, sur un regard, sur l'évidence d'un cadre, d'un contraste, noir et blanc, de la lumière et de l'ombre.
Vos dessins, cher Jean-Xavier, ont d'autres qualités... J'aime en eux l'indéfini et l'esquisse, l'aura imprécise qui entoure les contours d'un corps, entre noir, rouge et blanc... J'aime la perfection de la pose, la langueur comme l'acuité du regard, le velouté de la peau comme le dégradé des ombres, le satiné de la chair comme la moue des lèvres, mi-refermées sur un silence qui précède peut-être des mots d'amour...
Comme moi, vous avez lu Straton et Théocrite, Ovide et Platon, vous avez rêvé d'Alcibiade comme d'Antinoos, et de tous les jeunes bergers qui ont inspiré les rêves de l'Arcadie...
Le désir est cette harmonique particulière qui fait vibrer certaines images, mes photographies parfois, vos dessins souvent...
Il n'y a pas de désir sans horizon... Il n'est pas de beauté qui ne puisse inspirer le désir... Il n'est pas de désir qui ne sache écouter la beauté... femmes, hommes, garçons, certains êtres font entendre cette musique... Le regard est une écoute... Il n'est pas de désir sans l'amour de la musique, sans l'amour du silence...
Votre affectionné
Wilhelm von Gloeden"
Von Gloeden Archive, Letter from W. von Gloeden to J.X. de Combeloup, date unknown, call number: special request 0123.
No comments:
Post a Comment