Chaque photographie ancienne est à la fois une image produite en série et un objet unique. Aucun tirage d'une photographie ancienne n'est parfaitement identique: les contrastes, la lumière, la taille, la netteté sont autant de variables. Le destin de la photographie, ensuite, contribue à lui donner sa patine, sa teinte particulière, différentes selon qu'elle a été exposée ou non au soleil, collée dans un album, parfois accidentellement abîmée.
Sur ce tirage, von Gloeden a inscrit sa signature: son nom, la mention de Taormina, l'année: 1913. Peut-être le nom du dédicataire, et une date plus précise (un jour, un mois), ont été coupés, à un moment de l'histoire de cette photographie. Je ne saurai jamais qui a acheté cette photographie, en 1913, à Taormina, et demandé au photographe la faveur d'une signature. Je partage avec cet inconnu la même tendresse pour le jeune homme qui regarde l'appareil photographique de von Gloeden droit dans les yeux, avec un sourire qui creuse les fossettes de ses joues, avec une expression de bonheur radieux. Qui était-il ? Quel était son nom ? A quoi, ou à qui pensait-il, avec ses yeux si expressifs, avec son sourire en fleur ?
L'inconnu qui visita Taormina en 1913, choisit cette photographie particulière dans le catalogue si riche de von Gloeden et l'emporta avec lui, trace, peut-être, de multiples souvenirs, d'un moment de plénitude dans la vie de l'un de ces homosexuels de Paris ou de Berlin, de Londres ou de Vienne, qui ne pouvaient affirmer des amours indicibles qu'à travers une médiation esthétisante, le détour par une Antiquité alibi, à tous les sens du terme.
Le regard, le sourire de ce modèle de von Gloeden expriment une complicité autant qu'une promesse, une évidence autant qu'un défi.
1913. Un an avant la première guerre mondiale.
I was dreaming about this photograph since a while... It is now a part of my small collection and I will never feel tired while looking at this beautiful young man, whose gaze and smile enlighten this vintage albumen print with a beautiful sepia color.
A vintage photograph is at the same time a serial artefact and a unique specimen. Vintage photographic prints are all different; contrast, light, size, sharpness are as many variants. The history of the photograph, after the printing step, provides it with its particular patina and color, different according to the way it was submitted or not to the sun light, it was glued on an album sheet, or dammaged by accident.
On this albumen print, von Gloeden put his signature: his name, Taormina, as the place where the photograph was shot, and a year: 1913. Perhaps the name of the dedicatee and a more precise date (day, month) were cut, sometimes during the history of this photograph. I will never know who bought this photograph in Taormina, in 1913, who asked the photographer to be so kind as to sign the print. Anyway, I share with this unknown buyer the same tenderness towards the young man who is looking straight into the camera, with a smile drawing nice dimples on his cheeks. His whole face is radiant with happiness. Who is he ? What is his name ? What or who was he thinking about, with such expressive eyes, with his blossoming smile ?
An unknown man visited Taormina in 1913, chose this photograph among many others in von Gloeden's catalogue and took it with him: this photograph reminded him many happy memories, perhaps a time of plenitude and fullness, in the life of a gay man in Paris, Berlin, London or Vienna. As so many others, he could express the way he loved only through aesthetic mediations, through the alibi of Classical Antiquity.
The gaze, the smile of this von Gloeden's model express a complicity as well as a promess, something obvious as well as a challenge.
1913. Just one year before World War One.
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