Friday, December 18, 2009
Souvenirs de ton homonyme
Pour qui s'intéresse à Taormina au début du siècle dernier, à ce village de pêcheurs et de paysans qui était devenu l'un des lieux de villégiature favoris de tous les Européens qui faisaient le voyage d'Italie, cette carte, envoyée le 24 février 1903 à un destinataire français ouvre un immense espace de rêverie.
Ce n'était pas seulement le splendide panorama, entre mer et Etna, ni l'engouement pour les ruines grecques, fûssent-elles aussi spectaculaires que celles de ce théâtre, qui firent de Taormina une étape obligée pour tant de visiteurs venus d'Angleterre ou d'Allemagne, de France ou de Pologne, des Amériques ou d'Asie.
Beaucoup d'entre eux rêvaient de remonter à la source de ces images inédites, qui circulaient depuis la fin du XIXe siècle et ne se montraient qu'entre regards partageant la même sensibilité, la même sexualité. Les éphèbes albuminés de von Gloeden éveillaient le désir d'en voir plus, de traverser le miroir de la représentation pour partager un moment de vue, ou de vie, ou plus, si affinité, avec un visage ou un regard, le galbe d'un buste, une silhouette, un souvenir ou un espoir, dans toute la lumière de Sicile.
"Souvenirs de ton homonyme". La formule est laconique. Que dit-elle, que cache-t-elle ? En quoi le choix du théâtre grec de Taormina ouvre-t-il ce que le mot "souvenirs" referme ?
Quel est le non-dit, pourquoi ce non-dit ?
Et pourquoi ce jeu sur l'identité ? "Ton homonyme". Rencontre-t-on jamais "son" homonyme ? Un face-à-face aussi sidérant que le fait de se regarder dans un miroir...
Le nom est ici impliqué. Ce qui fonde mon identité, me donne une place dans un lignage familial, dans un état civil. Ce par quoi je suis reconnu et nommé par d'autres. Ce qui fait de moi une personne à nulle autre pareille.
Mon homonyme ? Un autre moi-même !
Mais puis-je avoir les souvenirs d'un autre ? Qu'a-t-il vécu, ressenti, aimé, rêvé qui ne serait pas déjà dans ma mémoire ?
"Souvenirs de ton homonyme"
Qui es-tu ? Quel est mon nom ? Il me suffit de retourner la carte postale pour le savoir...
Pour le moment, je préfère rêver que ton nom est le mien, et je retournerai la carte demain....
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