Tuesday, December 29, 2009

Incidents



J'aime la mélancolie et la vérité de cette page de Roland Barthes, extraite de Soirées de Paris, une sorte de journal intime tenu entre le 24 août et le 17 septembre 1979...

I love the melancholy and the truth of this page by Roland Barthes, and excerpts from Soirées de Paris (Evenings in Paris), a kind of intimate diary written between August 24 and September 17, 1979. I try to provide my English speaking readers with a rough translation below.



"17 Septembre 1979,

Hier, dimanche, Olivier G. est venu déjeûner; j'avais donné à l'attendre, l'accueillir, le soin qui d'ordinaire témoigne que je suis amoureux. Mais, dès le déjeûner, sa timidité ou sa distance m'intimidait; aucune euphorie de relation, loin de là. Je lui ai demandé de venir à côté de moi sur le lit pendant ma sieste; il est venu très gentiment, s'est assis sur le bord, a lu un livre d'images; son corps était très loin, si j'étendais le bras vers lui, il ne bougeait pas, renfermé: aucune complaisance; il est d'ailleurs vite parti dans l'autre pièce. Une sorte de désespoir m'a pris, j'avais envie de pleurer. Je voyais dans l'évidence qu'il me fallait renoncer aux garçons, parce qu'il n'y avait pas de désir d'eux à moi, et que je suis ou trop scrupuleux ou trop maladroit pour imposer le mien; que c'est là un fait incontournable, avéré par toutes mes tentatives de flirt, que j'en ai une vie triste, que, finalement, je m'ennuie, et qu'il me faut sortir cet intérêt, ou cet espoir, de ma vie (Si je prends un à un mes amis — à part ceux qui ne sont plus jeunes —, c'est chaque fois un échec: A., R., J.-L. P., Saül T., Michel D. — R.L., trop court, B. M. et B. H., pas de désir, etc). Il ne me restera plus que les gigolos. (Mais que ferais-je alors pendant mes sorties ? Je remarque sans cesse les jeunes hommes, désirant tout de suite en eux, d'être amoureux d'eux. Quel sera pour moi le spectacle du monde ?) — J'ai joué un peu de piano pour O., à sa demande, sachant dès lors que j'avais renoncé à lui; il avait ses très beau yeux, et sa figure douce, adoucie par ses longs cheveux: un être délicat mais inaccessible et énigmatique, à la fois doux et distant. Puis je l'ai renvoyé, disant que j'avais à travailler, sachant que c'était fini, et qu'au-delà de lui quelque chose était fini: l'amour d'un garçon".

Roland Barthes, Incidents, Paris, Seuil, 1987, p. 115-116.

"Yesterday, sunday, Olivier G. came for lunch. The way I waited for him and welcomed him usually testifies I am in love. But, during the lunch, his shyness or his distance intimidated me. It was very far from a euphoric relationship. I asked him to come and sit beside me on the bed during my nap; he came willingly enough, sat on the edge of the bed, looked at an art book; his body was very far away — if I stretched out an arm toward him, he didn't move, uncommunicative: no obligingness; moreover he soon went into the other room. A sort of despair overcame me, I felt like crying. How clearly I saw that I would have to give up boys, because none of them felt any desire for me, and I was either too scrupulous or too clumsy to impose my desire on them; that is an unavoidable fact, averred by all my efforts at flirting, that I have a melancholy life, that, finally, I am bored to death by it and I should forget this interest or this hope... (...) I will get only hustlers. (But what will I do during my walks ? I always notice young men, and I immediately desire to be in them, to be in love with them. How will the world look like to me ?) — I played some piano for O., at his request, but I knew that I already dropped him; he had his very beautiful eyes, his tender face, made so tender by his long hairs: he was a delicate boy, but out of reach and enigmatic, sweet and distant at the same time. At last, I sent him away, I told him I had some work to do: I knew it was the end and that beyond him, sometimes has ended: the love of a boy".

For a more literary translation, see... the official one
Roland Barthes, Incidents, Berkeley, University of California Press, 1992.

1 comment:

Anonymous said...

All to painfully true!