Sunday, August 2, 2009

Méditerranées




L'art photographique du baron Von Gloeden crée un monde rêvé plus qu'il ne ressuscite un monde oublié: il lui donne corps et vie en multipliant les harmoniques entre la tradition classique et la vision construite par une médiation technique, icône d'une nouvelle modernité. La mise en scène est soigneusement étudiée. Les modèles tiennent la pose, malgré la nonchalance et le naturel des attitudes, le temps d'offrir sans bouger les variations de lumière qui se fixeront sur la plaque photographique. Couronnes et bandeaux, draperies et tuniques, grain de la pierre et velouté des corps, chaque détail de la scénographie est soigneusement étudié: la photographie doit se voir comme un tableau. L'inclinaison de la tête comme la cambrure des reins, le profil du visage comme la jambe en triangle qui s'appuie sur un muret, le miroir des nudités, la tension de l'un et la détente de l'autre: les corps masculins sont donnés à voir dans une mise en scène qui mêle les références picturales et statuaires.

Les regards qui ne se croisent pas laissent deviner comme une dissymétrie entre les deux éphèbes: le plus jeune regarde l'autre, l'autre, plus âgé, est absorbé dans la contemplation de ses mains. Temps suspendu d'une question attendant une réponse ? d'un désir qui ne trouve pas les mots pour se dire ? Négligence de l'un pour le désir de l'autre ? Ou simplement l'éternité d'une photographie pour y répondre à temps ?

Ces deux garçons, comme tous les autres ragazzi mis en scène par Von Gloeden au début du XXe siècle, sont aujourd'hui poussière et cendre. La photographie les a immortalisés dans leur jeunesse et leur beauté, dans une scène qui, au-delà de ses références classiques, n'en finit pas de questionner le spectateur moderne sur son sens caché comme sur la musique échangée par ces deux regards qui ne se croisent pas.

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