Thursday, August 13, 2009

Elégie (von Gloeden)



C'est le petit matin, Aurore aux doigts de rose peint le ciel et la mer des premières couleurs du levant.

Von Gloeden et son modèle ont fait l'ascension dans la nuit, pour parvenir au sommet, au seuil de l'aube, à la lumière d'une lampe, par des chemins rocailleux qui font trébucher les pas.

Doucement, un paysage émerge des brumes de la nuit, il s'ouvre et s'étend, du rivage sicilien aux sillages marins et, plus loin, aux montagnes d'Italie, à la pointe de la botte. Ciel et mer ont même couleur, rose et or aux mille nuances. Qui reflète l'autre ? Le trait d'une plume, sur certains tirages de cette photo, vient discrètement délimiter la ligne d'horizon des montagnes qui gardent, côté Italien, le détroit de Messine.

Nous sommes dans la passe de Charybde et Scylla, dans le royaume d'Eole et des vaches du soleil, par où passèrent Ulysse et ses compagnons d'errance. De leur odyssée, point de trace dans cette image sereine, sinon la mémoire qui s'attache aux lieux.

Nous sommes au petit matin, à la naissance d'un monde, Adam s'émerveille des couleurs du ciel et de la mer.

Dans ce monde naissant où l'horizon s'étale, un garçon nu donne la mesure de la distance entre Sicile et Italie, de bas en haut, d'ouest en est. Immobile, il contemple un horizon. Depuis le désordre tellurique et minéral du premier plan, il rêve d'un envol vers des lointains où tout n'est que brume et lumière.

Sa contemplation est une élégie silencieuse à la beauté d'un moment sans lendemains.

Nous sommes en 1900, à l'aube d'un siècle nouveau.

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