Sunday, August 1, 2010

Le Prince de Taormina

"Cher Wilhelm,

C'était le 3 Novembre 1899... Je revenais d'Alexandrie, je partais vers Marseille. Je m'arrêtais à Palerme, et je vins vous voir à Taormina, dans votre palais d'alchimiste, Piazza San Domenico... Vous m'avez montré vos nouvelles photographies, je suis tombé amoureux d'un portrait, d'un garçon...

C'était le 3 Novembre 1899, comme en témoigne votre tampon, "W. v. Gloeden Kunstverlag, Deponirt 3 Nov. 1899, Taormina Sicilia".  



Il est le prince de Taormina, le plus beau, le plus noble de ses garçons dans la fleur de l'âge... Il est le plus royal de ses éphèbes, il semble échappé de la frise du Parthénon, où avec la jeunesse athénienne, il célébrait la fête de sa cité, la fête d'Athéna, les Panathénées. Je l'ai reconnu sur la frise de marbre des immortels cavaliers, au British Museum... 




Wilhelm, mon ami, peut-on tomber amoureux d'un garçon de marbre, d'une photographie ?

Philip, me direz-vous, qu'est-ce qu'aimer ? Aime-t-on la beauté d'un corps, la beauté d'une âme ? 

Wilhelm, mon ami, vos photographies montrent les deux, la beauté des corps conduit à la beauté des âmes... Vous êtes, je suis un platonicien dans l'âme... Amoureux d'une photographie, une ombre, un reflet, je suis conduit vers l'idée même de la beauté... 

J'aime ce garçon parce que tout en lui m'inspire et me parle... J'aime la mélancolie de son regard, le bandeau blanc qui traverse sa chevelure noire, les lèvres fermées qui referment le souffle et la voix, les joues sans barbe, la plaine lisse et musclée de la poitrine...

J'aimerais tant lui dire... J'aimerais tant... J'aimerais tant lui dire...

Saura-t-il jamais, ce garçon que je n'ai jamais rencontré, que sa beauté me fait rêver, des rêves d'amour et de mots tendres, des rêves de confidences et de regards silencieux, où les yeux de l'un plongeraient dans les yeux de l'autre....


Saura-t-il jamais, mon Prince de Taormina, que je lui parle dans mes rêves et que j'écris des poème qu'il ne lira jamais ?

Wilhem, mon ami, vos photographies me font rêver de garçons que je n'ai jamais rencontrés...


J'aime retourner cette photographie et la regarder à la lumière de ma lampe... Je vois le visage de mon aimé, de mon amant, de mon prince de Taormina... Je le vois comme un reflet s'effaçant dans les brumes du temps, il n'est plus besoin d'image lorsque son visage est gravé dans mon coeur...

Votre affectionné, as always,

Philip"

Von Gloeden Archive, Lettre de Philip X à W. von Gloeden, call number 1899/11/20/15.

2 comments:

Jose Miguel said...

Beau garçon et tres beau lettre.

Anonymous said...

Vous me faits rever aussi...

Merci, Philip

jt