Saturday, March 20, 2010

Fragment of a Taormina diary

"I would love, as Empedocles did, to die among the Etna fires and to leave just a sandal as a mark of my presence.

I would love to loose myself into the misty horizon, between sky and sea, between Charybde and Scylla.

I would love to fade out slowly, like a fragile photograph when it is exposed to a too bright light.

I would love to die out, like a voice after singing a sublime aria.

I would love to vanish like a dream, like a shade, like a breath.

Hope is gone, it flied away, only pain remains.

Too much calls without any echo, too much silence in my life.

Perhaps it is just a bad day...

Solitude. Love. Solitude. Love.

Solitude."

Philip, Taormina Diary, Hotel San Domenico, March 20, 1895 (unpublished, private collection).

Fragment d'un journal taorminien

"J'aimerais, comme Empédocle, mourir dans les feux de l'Etna en ne laissant qu'une sandale comme trace de mon passage.

J'aimerais me perdre dans les lointains brumeux, entre ciel et mer, entre Charybde et Scylla.

J'aimerais m'effacer lentement comme une photographie fragile exposée à une trop forte lumière.

J'aimerais m'éteindre comme une voix qui vient de chanter une aria sublime.

J'aimerais m'évanouir comme un songe, comme une ombre, comme un souffle.

L'espérance s'en est allée d'un coup d'ailes, ne reste que la souffrance.

Trop d'appels sans écho, trop de silence dans ma vie.

Peut-être n'est-ce pas mon jour...

Solitude. Aimer. Solitude. Aimer.

Solitude."

Philip, Journal de Taormina, Hotel San Domenico, 20 mars 1895 (inédit, collection personnelle).

From Painting to photography


Photographers picked up where painters left off. From the mid-1800s, technical developments in photography made possible a new sort of visual representation. Some time was necessary for photography to catch on and at first it was regarded only as an amusing hobby; cultural arbiters and practitioners of painting and photography debated whether photography was an art or a craft and whether a photographer was just recording a scene with a new machine or whether he or she effected a creative interpretation of what appeared before the lens. By the last third of the nineteenth century, however, photography had earned its letters of credence as an art; museums bought and displayed photographs, collectors began to purchase them and the wider public became familiar with—and enthusiastic about—the new art through illustrations in magazines and newspapers. Picture postcards portrayed scenes of war, historical monuments, landscapes, famous people, daily life, nudes and sometimes elaborate set-pieces created by the photographers. 


 One of the more popular of late-nineteenth- and early-twentieth-century photographers, and a key figure in homosexual cultural history, was Wilhelm von Gloeden, a German who worked in Sicily. His photographs of ancient ruins, street life and, particularly, young and often naked males won medals at photographic exhibitions, illustrated articles in such periodicals as The Studio, Die Kunst für Alle and the National Geographic Magazine and were distributed by the thousands as picture postcards. Few photographers of Italy were so acclaimed as the ‘baron of Taormina’. His ‘nudes and Arcadian scenes’, as he called them, won a gold medal from the Royal Photographic Society of Great Britain in 1893 and received prizes in exhibitions in Milan, Cairo and other cities. The Italian Ministry of Education presented him with a citation for his photography and he was elected to membership of several artistic societies. 

Robert Aldrich, The Seduction of the Mediterranean. Writing, art and homosexual fantasy, London and New York, Routledge, 1993, p. 143.




Saturday, March 13, 2010

Mélancolie (Jacques Fersen)


"Ce matin j'ai rêvé près des fleurs du jardin,
Et ma peau a gardé l'odeur des fleurs légères,
Respires-en sur moi la douceur éphèmère,
Nos baisers sembleront des perles en écrin.

Ce matin j'ai rêvé près de l'eau murmurante,
Où luisaient des bijoux qui tombaient du soleil,
Et mon amour pour toi, à ces bijoux pareil,
Frissonne dans mon coeur sa chanson enivrante.

Ce matin j'ai rêvé sous les grands arbres verts,
Et la brise en passant se vêtissait de soie,
J'en ai gardé la lente et délicieuse joie,
Et pour toi mon désir est un ciel entr'ouvert.

Ce matin j'ai rêvé près des maisons désertes,
Ton sourire est venu comme pour les vêtir,
Des fleurs de ma passion et des fleurs du désir,
Que respirait mon âme au seuil des portes vides."

Jacques Adeswärd-Fersen, L'Hymnaire d'Adonis,
Paris, Librairie Léon Vanier, 1902, p. 85-86.

Souvenirs silencieux / Silent memories



Garçon romain (Essebac)

"Les ciociari arrivaient par la via Sistina qui relie Santa-Maria-Maggiore, leur quartier général, aux terrasses supérieures de la Trinità de’ Monti et à celles toutes proches de la Villa Médicis et du Pincio. Avec une nonchalance parée de quelque noblesse l’un d’eux se montre et descend ; d’autres suivent. Celui-ci a dix-sept ou dix-huit ans. Éphèbe robuste, la jeune architecture de son corps s’enferme, pour le torse sinueux, dans une chemise de grosse toile dont la blancheur se plaît aux chaudes carnations de la nuque et du cou ; un gilet, qui fut de velours bleu, mal dissimule son délabrement sous une veste courte, vert bouteille d’une nuance décolorée, qui fait valoir merveilleusement la culotte de velours rubis, carmin épuisé, dans la pourpre duquel le soleil a longtemps mordu de ses dents brûlantes en lui abandonnant de son éclat, de sa chaleur et presque de sa majesté, tant les cuisses du jeune gars et ses hanches sensuelles paraissent d’une olympienne et durable beauté… 

Il descend lentement, les yeux fixés au loin, guetteur… L’exquise harmonie de son corps bien formé magnifie ses belles attitudes et rehausse le bariolage puissant des loques collées à ses membres pleins de sève… Il descend, pas à pas, sans heurts. Des lanières de cuir se croisent autour de ses chevilles et montent de ses ciocie, mi-sandales, mi-brodequins, jusqu’à ses mollets énergiques aux rondeurs qui se dilatent suivant la marche sous l’épais tricot des chausses bleues ou rouges. De grands cheveux bruns, sur son front et sur l’ovale sévère de son visage, tombent d’un feutre où se débattent les feux de juillet et les averses de mars sous la garde cavalière d’une plume érigée de plusieurs rubans hauts en couleur.

Le jeune homme a des yeux voilés d’ombres mélancoliques, une bouche ardente, rouge de sensualité. Et le doux éclat de ses prunelles, le pli dédaigneux de ses lèvres, mieux que ses vêtements éblouissants, le rejettent hors de notre monde faux et composé dans ce monde qui n’est plus, où rien ne primait le paganisme riant et sans inquiétude, les joies faciles et souveraines de la chair…
Et c’est, dans les tonalités amorties des grenats, des bleus, des céladons, des ocres vives, des jonquilles et des vermillons, dans le linge écru des chemises et l’outremer des jambes nerveuses lacées de cuir fauve, dans le noble encadrement des chevelures ébouriffées, une apparition d’humanité superbe et bien au-dessus de nos raffinements sans grandeur. Tels que Pierre les voit, ces ciociari, rudes et archaïques, gracieux et félins, voluptueux ou paisibles, la préciosité mesquine de notre civilisation lui paraît singulièrement factice et misérable auprès de leur quiétude abandonnée aux inéluctables destinées sur quoi continuent peut-être de veiller ces dieux indulgents dont nous avons renversé les autels !"

Achille Essebac, L'élu, extrait du Chapitre 3, Paris, L'Edition Moderne, Ambert et Cie, 1902.

Friday, March 12, 2010

Le Dionysos des confins / Dionysus in Taormina's outskirts


"Cher Wolfgang,

Je vous remercie de votre belle lettre et je suis heureux de savoir que vous êtes bien rentré à Göttingen.
Je suis heureux aussi de savoir que mes photographies vous font rêver et que le soleil de Taormina illumine vos souvenirs...

Vous me dites aimer particulièrement les trois photographies de Peppino, je vous comprends... Je vais vous raconter leur histoire.

J'avais relu les Métamorphoses d'Ovide, les Idylles de Théocrite et les Bacchantes d'Euripide, et il m'est venu l'idée de photographier Peppino loin du village, dans les montagnes de Taormina où ne s'aventurent que les bergers et les brigands. Loin des terres cultivées et des habitations, ces confins sauvages étaient pour les Grecs un territoire où l'on pouvait rencontrer, au détour d'un chemin, un dieu ou une déesse sous l'apparence trompeuse d'un voyageur de grand chemin. L'étranger pouvait surgir à l'improviste, sans que vous l'ayez vu de loin ni entendu approcher...

Malheur au berger imprudent qui manquait de respect à l'étranger !  Il pouvait s'agir d'Hermès, le messager des dieux, ou de Pan, qui s'amuse à inspirer la panique au berger et à ses troupeaux comme aux armées avant la bataille ! Il pouvait s'agir aussi de Dionysos, divinement beau, un jeune étranger qui troublait les femmes des cités et leur faisait courir la campagne aux rythmes de sa musique...

Lorsque Peppino m'a conduit à cette grotte connue de lui seul, je l'ai imaginé en Dionysos, entouré de lierre et de feuillages aux parfums enivrants. Il s'est appuyé au rocher, laissant l'ombre et la lumière sculpter son corps, et avec un imperceptible sourire, a laissé son regard partir au loin...

Imaginez, cher Wolfgang, imaginez qu'au détour d'un chemin, vous rencontriez Dionysos...

Votre ami

Wilhelm von Gloeden"

Von Gloeden Archive, Lettre de W. von Gloeden à Wolfgang von D., call number 1895/06/12/01.

"Dear Wolfgang,

Thanks so much for your beautiful letter: I am happy to know that you are back to Göttingen, I am happy too that my photographs bring you so many pleasant dreams and that Taormina's sun shines for ever in your memory...

You write that you enjoy particularly the three photographs of Peppino, and I share your fascination ! I will tell you the story behind these photographs...

I had just finished reading again Ovid's Metamorphoses, Theocritus Idylls and Euripides Bacchae, and I decided to make a photographic session with Peppino in a remote place, far away from the village, in Taormina's mountains where only shepherds and brigands can be met. Far away from cultivated fields and from any inhabited area, these outskirts, in the wilderness, were for the ancient Greeks a strange land where one could meet a god or a goddess looking like a vagabond. The stranger could appear unexpectedly, without being seen from far away or heard while walking...

Unfortunate was the uncautious shepherds who was not bowing to the stranger in the most respectful manner ! This stranger was perhaps Hermes, the messenger of the gods, or Pan, who had fun while inspiring panic to shepherds or soldiers before a battle ! He could be too Dionysius, beautiful as only gods are, a young stranger who made the women of the city going mad and forced them to run in the wilderness, at the rythm of his music...



Peppino lead me to a cave he is the only one to know. I imagined him as a Sicilian Dionysus, surrounded with ivy and leaves giving off an intoxicating perfume. He leant against the rock, light and shade were sculpting his body. With an imperceptible smile, he looked at the horizon...

Imagine, dear Wolfgang, imagine that along a path in Taormina's wilderness, you encounter Dionysus...

Your friend

Wilhelm von Gloeden"

Von Gloeden Archive, Letter from W. von Gloeden to Wolfgang von D., call number 1895/06/12/01.

Souvenir (Jacques Fersen)



La douceur moite et claire de tes lèvres câlines
A laissé sur ma bouche une saveur de fruit,
Qui torture et fait naître au milieu de la nuit 
Comme de très vagues appels de mandolines.

Je me sens triste et seul et j'ai besoin de toi,
Comme un enfant malade a besoin de sa mère
Et si Dieu le voulait, pour toute lumière
Qu'il m'accorde tes yeux, luminaires de foi !

Par instant, la douleur, dans l'ombre évocatrice;
Se réveille, semblable au spectre de la mort, 
Et mes mains sont sans force, et mon âme s'endort
Brisée par ta Beauté pourtant libératrice !

Jacques Adeswärd-Fersen, L'Hymnaire d'Adonis,
Paris, Librairie Léon Vanier, 1902, p. 45

Thursday, March 4, 2010

Garçon en fleurs


J'aime la douceur de ce visage couronné de feuilles et ce regard qui se perd dans un face-à-face avec l'oeil de l'appareil photographique du baron. J'aime la grâce de la pose, les angles formés par le bras replié et les branches fleuries de l'amandier. J'aime les dégradés de teintes et de lumière qui font de cette photographie une symphonie pour l'oeil, entre noir et blanc....

I love the sweetness of this face surrounded by a crown of leaves and this gaze looking straight into the eye of the Baron's camera. I love the graceful pose, the angles created by the arms and the almond-tree blossomed branches. I love the subtle variations of colours and light in this photograph, offering to the eye of the viewer like a symphony, between black and white... 

Le printemps à Taormina / Spring in Taormina


"A Taormina, le printemps a un charme tout particulier: il diffère à peine de l'hiver et n'est qu'une des multiples facettes de l'éternelle saison qui règne sur cette île baignée de soleil et caressée par les flots bleus de la Méditerranée... C'est l'asphodèle qui annonce l'arrivée du printemps: ses bourgeons commencent à apparaître en janvier et, très vite, débarrassés des filaments qui les recouvrent, ils s'ouvrent avides de soleil. Les amandiers en fleur donnent un air de fête aux vallées, blanches et immaculées comme les neiges de l'Etna... Le printemps, comme l'automne aussi d'ailleurs, est la saison idéale pour les  couchers de soleil. Heureux celui qui à cette heure divine aura contemplé les célèbres paysages de Taormina et de la Sicile. Ces images lui réchaufferont le coeur dans les moments tristes de sa vie".

Roger Peyrefitte


"In Taormina, spring has a charm which it lacks elsewhere; it differs very little from winter and it is but one of the many nuances of the season which reigns eternal on this island blessed by the sun and lapped by the blue waters of the Mediterranean... It is the asphodel that announces the arrival of spring: its blossoms start to sprout in January and quite soon, after freeing itself of the filaments which cover it, they open in their greedy search for sunlight. The blossoming almond trees give a festive aspect to the valleys with a whiteness and pureness like the snows of Etna... Spring, like Autumn, is the ideal season for sunsets. You can only be so lucky as to have the chance to contemplate the famous places of Taormina and Sicily at this divine hour. In the sad days of your life these images will serve to warm your heart".

Roger Peyrefitte

Recommended book / Livre recommandé

Edizioni Vittorio Malambri, Taormina, 1998
ISBN 88-900272-0-7

Many reproductions from the Malambri collection, mainly nude and portraits. This book offers an interesting selection of uncommon and rare photographs, with a nice printing quality.

This book is out of print and could be found on the rare books market or on ebay if you are lucky....

Monday, March 1, 2010

Taormina, August 1904 and 1905










Quelle est l'histoire de cette série de cartes postales envoyées depuis Taormina à Fraülein Hermine W., vivant à Braunschweig, en Basse-Saxe ?

Je n'arrive pas à déchiffrer cette écriture minuscule, qui se glisse dans les rares espaces libres laissés par la photographie: le ciel, les marges, un chemin.

Je n'arrive pas même à déchiffrer le nom de l'expéditeur...


What is the story of this series of postcards sent from Taormina to Fraülein Hermine W., who lived in Braunschweig, in Germany ?

I am unable to read this microscopic handwriting, filling the few free spaces left on the photograph: the sky, white margins, a path.

I cannot even read the name of the sender...

Hora Fugit (Gaston Goor)