"Studies in art from Sicily" "Etudes artistiques, provenance: Sicile". Je ne sais pas qui a écrit ces mots au crayon sur le verso. Sans doute est-celui qui a acheté la photographie à Wilhelm von Gloeden à Taormina. "Etudes", "artistiques", "Sicile", chacun de ces mots est lourd de sens... Oui, la photographie est un art... Peut-être faut-il dissimuler le désir sous l'alibi de l'étude. La Sicile est l'alibi d'un certain désir, en ce début du XXe siècle..."
"Studies in art from Sicily". I don't know who wrote these few words with a pencil on the reverse side of this photograph. Most probably, the writer is the person who bought this photograph from Wilhelm von Gloeden in Taormina. "Studies", "art", "Sicily": every word is meaningful.... Indeed, photography is an art... Perhaps desire should be hidden under the alibi of study. Sicily is the alibi of a special desire, in these first years of XXth century..."
"162". Chaque photographie a son numéro. Toujours écrit avec un crayon bleu. Entre la plaque originale et l'impression, entre l'unique et le multiple, un chiffre crée le lien. Gloeden est l'archiviste, le bibliothécaire de son oeuvre photographique. Le tampon atteste l'authenticité de la photographie. Il la date. 5 Janvier... 1905.. 1906 ? 1906, je crois...
"162". Each photograph is numbered. The number is always written through a blue pencil. Between the original photographic plate and this print, between the unique archetype and the multiple copies, a number is the link. Gloeden is the archivist, the librarian of his photographic production. A stamp testifies the authenticity of the photographic print. It provides it with a date. January 5... 1905... 1906 ? 1906, I think...
C'est toi que je regarde d'abord dans cette photographie.... Car tu me regardes, droit dans les yeux, tu me regardes et me demandes qui je suis... C'était il y a plus d'un siècle...
Tout me parle dans ta pose, dans ton expression, tu es dans l'attente, dans un temps entre deux, c'est le 5 janvier 1906, je te regarde plus d'un siècle après... Es-tu mon Pasqualino ?
You are the first one I am looking at in this photograph... Because you are looking at me, straight into my eyes, you look an me and you ask me... "Who are you ?..." It was a century ago...
Everything talks to me, in your pose, in your face expression... You look as someone expecting something, someone, it is a time in between, it is January the 5th, current year is 1906... I am looking at you since a centruy... Are you my Pasqualino ?
Ton ami est nu... figé dans sa pose... Il est nu, comme toi... La lumière et l'ombre sculptent son corps. Ce n'est pas un garçon, c'est un poème, une élégie, une musique à écouter, un parfum auquel on est sensible ou non...
Your friend is naked... he was caught by the camera while holding the pose... Light and shade are the sculptors of his body.... This is not a boy, this is a poem, an elegy, just a music to listen to, or just a perfume one can smell or not...
Il me faut apprendre la langue des gestes, de la main et des regards... Il me faut apprendre ce qui se dit et se comprend, quand les mots n'ont pas leur part... Il me faut comprendre la langue du désir, du désir entre garçons, dans la Sicile de Théocrite ou de Virgile, sur la photographie de von Gloeden...
I should learn the language of gestures, of hands and eyes... I should learn what is told and understood, when no words are spoken out... I should understand the language of desire, of this desire boys could feel one for the other one, in Theocritus and Vergil Sicily, on a von Gloeden's photograph...
Les yeux et la main... Des yeux fermés pour mieux sentir la main qui caresse... Des yeux fermés sur une photographie à regarder... Des yeux fermés pour une ceinture à délier, dans les prolégomènes du désir, dans les gestes immémoriaux d'une tendresse qui ne sait pas dire son nom... J'aime la tendresse indicible de ces gestes, que seul un poème saurait nommer...
Eyes and a hand... Closed eyes, just to feel better a caressing hand... Closed eyes, while a photograph is shot, for future viewers... Closed eyes, against a belt to be untied, these are the prolegomena of desire, the immemorial gestures of a tenderness that could not be named as such... I love the tenderness of these gestures, they are beyond any words, nothing else than a poem could describe them...
Qu'est-ce qui se joue entre toi et moi ? Qu'est-ce qui se dit, qu'est-ce qui se rêve... Où finit le souvenir, où commence l'imaginaire ? Vous, les garçons Siciliens de Gloeden, vous êtes les acteurs d'un théâtre intemporel... Hier ou aujourd'hui, chez Théocrite ou Virgile ou au XXe siècle, vous racontez des histoires de désir, des désirs entre garçons, il n'est pas besoin de mots quand toi seul répond à l'image de mon désir, quand je suis le seul à entendre la musique de ta beauté...
What is at play, between you and me... ? What is said, what is dreamt... Where does a memory end, where does imagination start from ? You, you, the Sicilian boys of von Gloeden, you are like the actors of an intemporal theater... Yesterday or today, in Theocritus or Vergil or in the XXth century, your are telling stories of desire, desires between boys, words are useless when you are the only one to mirror my desire, when I am the only one listening to the music of your beauty...
Trois garçons... dans le cloître du monastère San Domenico à Taormina... Il y a comme un arc de désir entre ces trois garçons, et toi, Wilhelm von Gloeden, qui a figé cette photographie, et moi, qui la regarde, en cette fin avril 2011. Qu'est-ce qu'un désir entre garçons, où est le désir, qui est la garçon ? Qu'est-ce que le désir, qui charge le regard sur la photographie d'une mémoire, d'un espoir, d'un rêve, d'un désespoir... ?
Three boys... in the cloister of the San Domenico Monastery in Taormina... There is like a link of desire between these three boys and you, Wilhelm von Gloeden, you who shot this photograph, and me who is looking at it, in this end of april 2011. What is desire between boys, where is the desire, who is the boy ? What is this desire, that provides the viewer with a memory, with an hope, with a dream, with a despair...
La plaque photographique a été cassée... Cassée en deux.... La cassure délimite un avant et un après... Elle est irréparable... Il n'y aura plus de tirage de cette photographie sans cette ligne de fracture... J'aime cette photographie pour sa fragilité... La vision parfaite n'est plus, il reste cette image traversée par la diagonale d'une fracture.
L'image chante à mes yeux, j'entends sa musique sepia, je ressens le jeu des poses et des regards, je sais que le désir peut traverser le siècles, passer d'un poème à une photographie, oublier une cassure, ouvrir un rêve naviguant sur les vagues de l'éternité...
The photographic plate was broken... Broken in two parts... The break defines a times before and a times after... It could not be undone... It will be impossible to get prints of this photograph without this breaking line... I love this photograph because it is so fragile... Full vision is out of reach, the only option is this print, crossed by a breaking line...
This photograph is like a song for my eyes....and I can listen to its sepia music, I feel so much the play of poses and gazes, I know that desire can cross centuries and go through a poem until a photograph, forget a breaking line, expand a dream, brought on the waves of eternity...